- encremalouine
Otages intimes
Otages intimes est un roman d'une grande puissance qui met en scène la libération d'un journaliste retenu otage dans un pays en guerre. C'est un texte universel qui s'attache à décrire son immersion d'homme redevenu libre dans la société, son douloureux chemin vers la quiétude. Les mots sont d'une justesse remarquable, ils dessinent de façon fine et délicate les moindres sensations, les perceptions parfois paradoxales de cet homme qui est libre et prisonnier à la fois. Il est libre, comme nous le sommes, de jouir de notre présent, de savourer chaque instant de vie, la présence de ceux que nous aimons. Il est libre de crier, de courir, de chanter, de jouer de la musique. Il est libre de simplement contempler la nature et de s'émerveiller des choses comme si c'était pour lui la première fois qu'il en prenait conscience, la course d'un écureuil, un verre de vin, le vol d'un ami en parapente, la douceur du regard de sa mère qui l'aide à se reconstruire. Il est libre et en même temps il vit l'enfermement intérieur : prisonnier de ses souvenirs, il revit parfois la douleur des tortures, il revoit les instants qui ont précédé son enlèvement. C'est
comme s'il était encore prisonnier de son ignorance : ses ravisseurs lui ont volé son temps, une partie de sa vie, ce qu'il aurait du voir, sentir, vivre entre son ravissement et sa libération. C'est un temps perdu et effacé, jamais sa liberté ne pourra reconstituer les événements qu'il a manqués.
Otages intimes est un texte qui résonne fort : ce n'est pas uniquement le rapt qui peut rendre otage, les autres personnages du roman le sont aussi. La vie, ces événements qui se tissent avec ou sans notre consentement, ces souvenirs qui s'impriment ou s'oublient nous rendent
intimement otages... de nous mêmes.
Jessica Bouillant, libraire de Charabia, Embrun