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Notre Dame de Paris

Parce que Victor Hugo a chanté Notre Dame, parce qu'il en a fait l'héroïne d'un roman historique en 1831, parce qu'il a joué un rôle essentiel dans sa rénovation au XIXe siècle, parce qu'un passage de ce roman est prémonitoire :



Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle.



Pour toutes ces raisons, souvenons-nous qu'un livre et son auteur peuvent à eux seuls élever au rang de mythe le chef-d'oeuvre auquel les bâtisseurs de cathédrales ont sacrifié leur vie entière.


Notre Dame de Paris, dont la construction dura 107 ans, de 1163 à 1270, est cette silhouette ancrée sur l'île de la Cité, familière au monde entier, qui pleure sur le désastre d'une nuit d'avril. Terrible printemps que celui où la forêt s'embrase, trouant la nuit d'un cyclone de feu qui va engloutir huit siècles d'Histoire. La flèche de Viollet le Duc, joyau de l'art gothique, s'effondre, emportant la toiture, une partie de la voûte s'écroule, et l'on craint pendant une partie de la nuit que le beffroi nord ne cède, défigurant à jamais le parvis désert.


Notre Dame, c'est un Paris populaire, le patrimoine d'un peuple, le souvenir du couple mythique que formèrent Quasimodo, le bossu difforme et la belle Esméralda, dont les ossements enlacés, quand on voulut les séparer, tombèrent en poussière.


Et pourtant, Victor Hugo, visionnaire de génie, avait écrit : L'église elle-même s'effacera bientôt peut-être de la terre, ce qui avait provoqué en juillet 1845 le vote d'une loi pour sa restauration. Il n'imaginait sans doute pas que l'horreur surviendrait près de deux siècles plus tard, défigurant cet édifice qu'il aimait tant.


Vision apocalyptique du 16 avril 2019, la cathédrale brûle, et on ne parvient pas à contenir les flammes qui la dévorent, tandis que les parisiens, agglutinés sur les quais, les spectateurs du monde entier, devant leurs écrans, croient faire un mauvais rêve dont ils se réveilleront meurtris, mais soulagés que le cauchemar s'achève. Hélas, ce matin, se dresse au bord de la Seine le corps calciné de Notre Dame, qui s'est néanmoins arc-boutée de toutes ses forces pour résister à cette tragédie sans pareille. Elle est encore debout, cette mère farouche, et pointe, comme un défi, ses tours jumelles aux lignes pures vers le ciel, comme ses soeurs outre-atlantique avant le 11 septembre, dévorée de l'intérieur mais demeurée vivante,


... belle, ô mortels, comme un rêve de pierre


En passant devant, on pourrait croire au miracle, comme si elle avait décidé, envers et contre tout, de cacher sa cyclopéenne blessure.


Elle est restée debout, signe que nous devons la remettre totalement debout. Beaucoup de mécènes ont déjà adressé des fonds pour une restauration qui prendra peut-être des décennies. Dans ce monde où tout se délite et se désagrège, quelle belle leçon d'humanité ce serait de participer à cette élévation et, obéissant à la voix du poète, de reconstruire cette cathédrale, dont Louis VII et le pape Alexandre III posèrent la première pierre et Philippe-Auguste la dernière, et qui veilla sur nous depuis tant de siècles.



Si vous souhaitez participer à la restauration, contactez la Fondation du patrimoine. Merci.

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